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La Bolivie à travers les yeux de l’artiste Jorge Carrasco

26 décembre 2022

Decouvertes

Poursuivons notre voyage à La Paz (cf notre article précédent) en présentant l’un des enfants du pays, Jorge Carrasco.
Ce créateur bolivien, né en 1919 a entretenu des liens étroits avec la France, puisqu’il y est décédé en 2006 après de nombreuses années passées dans le pays.

Celui qui n’a cessé de transmettre un message d’amour a donné vie à un ensemble d’oeuvres, entre peintures, sculptures et fresques.

Artiste pluridisciplinaire, Thaki Voyage vous invite à découvrir ou à re-découvrir ce personnage, haut en couleurs, à l’image de son travail.

Odes à la vie, la pratique plastique de Carrasco exprime, avec beaucoup de puissance, la relation de l’homme avec son territoire natal. Saisissez sa pensée, tout en capturant l’énergie de la Bolivie !

À la découverte picturale des rythmes boliviens

Initié à l’art à La Paz par sa mère, la peinture a toujours été un moyen d’expression pour Jorge Carrasco, ainsi ses premières oeuvres témoignent déjà d’un vif intérêt pour l’histoire Sud-Américaine.

Révolté face à la violence émises contre les indigènes, il dénonce de manière picturale dès ses débuts, le mauvais traitement qu’ils leurs est infligés. Son désir de peindre les méfaits de la domination espagnole l’entraîne à représenter la douleur coloniale et la perte de repère culturel d’un peuple.

Bien qu’il détienne une bonne connaissance de la culture de son continent et qu’il quitte la Bolivie pour le Pérou en 1946, la civilisation de son pays conserve une place centrale dans son travail. Lui, qui a parcouru avec ardeur sa terre natale, souhaite la montrer à travers ses aquarelles et tableaux : naît donc des compositions colorées, éloignées du désespoir pictural de la première partie de sa vie.

Ces oeuvres représentent notamment les cholitas, symbole de la diversité ethnique bolivienne et de ce fait lui permettent d’exprimer la vie, l’amour mais surtout le respect.
En choisissant de peindre ces femmes, trop souvent oubliées, il illustre le peuple bolivien et l’authenticité de sa terre. C’est pourquoi, il souhaite populariser l’art pour qu’il s’adresse à tous. Il consacra alors à La Paz, la ville où il enseigna en tant que professeur à l’Académie des Beaux Arts, une exposition de fresques murales pour les paysans et les indiens.

Vers une quête de sensualité, les sculptures de Jorge Carrasco

Curieux de tout, l’artiste se tourne également vers le volume et ses sculptures sont aussi marquées par sa rencontre avec les indiens.
Cette connexion avec eux l’entraîne enfant, à fabriquer des figurines d’argile traditionnelles, considérées comme ses premières oeuvres en dimension.

Par la suite, l’observation qu’il fait de ses hommes, le mène pendant une année dans les profondeurs des mines de Wolfram, où ils sont nombreux à travailler. De plus, la construction de la cathédrale de La Paz et de la ville en pierre granit par ses mêmes personnes, confirme à la fois l’injustice sociale faite à ce peuple mais aussi la fascination de Carrasco pour la sculpture.

Il apprend à tailler la pierre, matière issue de la Terre et réalise la dimension cosmique que chacune porte en elle. Elle représente pour lui le corps, c’est pourquoi il s’intéresse à la courbe et à la perception sensuelle des matériaux, auxquelles il prête beaucoup d’importance.

Chaque pierre jouit d’une sensation tactile unique, dès lors l’artiste les choisit en provenance du monde entier, parmi elles : le marbre de Vérone ou du Portugal, l’onyx d’Argentine, le granit noir de Suède, l’ivoire de Rhodes, ou encore la serpentine.

Cependant, en dehors de l’identité plurielle de ses matériaux, ses préoccupations restent proche de celles des cultures amérindiennes, qui perçoivent la pierre comme une matière vivante, issue de la Terre et de l’Univers.

Au même titre que l’Homme, la pierre s’inscrit dans la vie, elle parle et divulgue une énergie érotique et sensuelle.

L’artiste entretient avec elle une vraie relation de tendresse et incite les visiteurs à la caresser, conférant une proximité inédite entre l’oeuvre et le public. Il souhaite que le spectateur aille au delà du regard, en touchant la matière pour la faire vivre.

Une fois de plus, Jorge Carrasco démontre son amour pour l’Homme et sa dévotion pour le cosmos et l’Univers, en lien avec la culture bolivienne. Il produira plus d’une centaine de sculptures, en pierres ou en objet de récupération.

Les racines de l’église du Menoux, entre cosmogonie et religion

En 1954, le plasticien part à la découverte de l’Europe, où il participe à la Biennale de Venise en tant que représentant de la Bolivie.
Son séjour européen lui permette d’exposer au côté de Picasso et Matisse et de s’installer sur le continent en 1967. Un an plus tard, il choisit la France, plus précisément le village du Menoux comme son espace de création.

C’est ici que vous pouvez admirer ce qui est sûrement considérée comme son oeuvre la plus colossale, au coeur de l’église de Le Menoux (Indre), qui abrite un ensemble de fresques plus que fascinantes.

Mais comment comprendre cette composition ? Ce travail est une formidable rencontre entre la religion catholique et les croyances amérindiennes, par le biais duquel Carrasco nous rappelle ce qui s’est perdu en Occident : l’appartenance de l’Homme à la Pachamama.

Appartenir à la Pachamama c’est faire partie de l’Univers. Le peintre s’intéresse à la cosmogonie Inca et à la formation de l’Univers mais aussi aux religions, car selon lui Dieu est amour et vie.

Ce chef d’oeuvre bénévole est donc un hommage au sacré de la création, à la naissance des éléments de l’Univers : le soleil, les planètes et les étoiles mais aussi à la création de l’Homme et précisément au féminin qui engendre la vie.

De 1968 à 1976, 8 ans de travail ont été nécessaires pour donner sens à ces 450 m de fresques, entre couleurs chatoyantes et formes arrondies qui expriment le bonheur d’être sur ce Terre.
À votre tour, venez vivre ce moment hors du temps et percevez les lignes cosmiques vous traverser.

« L’art c’est tout. Sans art, il n’y aurait pas de vie » tel le disait Jorge Carrasco, voyageur infatigable, qui nous fait parcourir la Bolivie grâce à ses oeuvres insolites.

La philosophie de ce citoyen du monde, pleine de positivisme vous ouvre à la vie et vous invite à vous connecter à ce pays, source de sincérité. La Bolivie n’a donc pas fini de vous surprendre !

Merci à l’association « Les Amis de Carrasco » pour les photos
Texte écrit par Mathilde Leroux