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Llullaillaco, le sommet à 6739m le plus mystique du NOA ?

10 mars 2020

Montagnes

Dans des conditions extrêmes, il est très facile de renoncer….. moral d’acier exigé pour vous lancer sur l’LLullaillaco….

Après 3 essais, 2 tempêtes et une tentative avortée, je réussis enfin le sommet le 02 mars 2020, mais non sans mal….

Je dédie ce sommet LLullaillaco de 6739m en premier lieu à Manu. Ce fut son dernier sommet et un rêve d’enfant m’avait il confié. Nous n’étions alors montés qu’aux premières ruines à 6500m d’altitude. J’ai pensé fortement à lui bien sûr mais aussi à Sandra lors de cette ascension.

Je dédie aussi cette ascension à Brigitte et Gilbert avec qui j’avais partagé cette aventure fin 2018. Un gros stress m’avait terrassée et je n’avais pas pu monter, sentant une douleur à la poitrine qui me rappelait une embolie pulmonaire que j’avais faite 10 ans plus tôt. Gilbert et Brigitte m’avait alors apporté un gros soutien lors de cette mauvaise passe et je ne peux que penser à eux en faisant ce sommet en 2020.

Pichi, un ami montagnard de Salta, nous racontait encore il y a quelques jours à notre retour du Llullaillaco des anecdotes sur ce volcan sacré. Ce dernier est entouré de croyances et histoires incroyables. Un ami chaman de Pichi lui avait raconté qu’il sentait des énergies très fortes sur les flancs de ce volcan et notamment négatives. Il s’y passe toujours quelque chose sur ce sommet, à chaque expédition, me dit Pichi. Et ce n’est pas moi qui vais le contredire ! tempêtes de neige, tempêtes électriques voitures qui tombent en panne, etc Ce n’est pas pour rien que les Incas y ont fait trois offrandes d’enfants momifiés. C’était la seule solution pour calmer les dieux à l’époque !

LLullaillaco, une montagne sacrément sacrée!

Cette fois-ci, j’étais en forme , la météo était au beau fixe, vent quasiment nul, grand ciel bleu….les conditions étaient réunies. Nous montâmes tranquillement directement au camp II depuis le camp de base, en style alpin, sans support logistique, seulement tous les deux, avec Hugo comme d’habitude….nous devions porter toute l’eau nécessaire pour deux jours et le poids de nos sacs oscillait entre 20 et 30 kgs. Cette fois-ci, pas de tempête électrique qui avait failli nous électrocuter un an plus tôt. Nous arrivâmes au camp 2 à 5900m d’altitude. Forme olympique, nous avions monté nos 1000m de dénivelé en 06h00 chargés comme des mulets ! Le ciel était bleu et le plan se déroulait à la perfection !

A peine  10 minutes après notre arrivée, nous profitions du soleil, quand soudainement le ciel se chargea de nuages sans crier gare……nous montâmes la tente en mode express juste à temps avant que la neige ne commence à tomber. Nous nous retrouvâmes stupéfaits sous notre petite tente d’assaut…la météo n’avait pas prévu de neige, aucune précipitation d’ailleurs. Je sentais la rage monter en moi, nous n’allions pas rester une fois de plus cloués au sol dans notre petite tente sans pouvoir tenter l’ascension. Nous essayions de nous raisonner, cela ne devait être que quelques nuages qui s’étaient chargés au sommet et non une tempête annoncée…nous gardions espoir….l’LLullaillaco voulait nous intimider, j’en étais persuadée. Nous décidâmes de monter quelque soit le temps…il neigeait en continue, mais de manière tranquille. Après 5 heures de chute de neige, cela semblait se calmer. Nous ne pouvions pas fermer l’œil…vers 22h30/23h00 nous étions les yeux grands ouverts écoutant les bruits de la nuit. La bonne nouvelle était que le ciel était de nouveau étoilé. Je me sentais remplie de joie. Il n’y avait pas de vent, nous allions faire une ascension agréable sans vent. Je m’en réjouissais d’avance. Cette fois-ci, la montagne n’allait pas nous réserver de mauvaises surprises. Nous décidâmes de partir vers minuit. La montée dans les rochers est tellement désagréable qu’on avait décidé de monter de nuit. Je calculais qu’il nous faudrait un minimum de 10 heures pour arriver au sommet. On devrait être aux premières ruines avec les premiers rayons du soleil, vers 08h00. Ainsi on ne verrait pas passer cette montée dans les rochers.

Hypothermie en montagne, résister ou abandonner?

Nous commençâmes à marcher et rapidement je sentis qu’il y avait quelque chose qui ne collait pas avec mon plan. J’avais mis tous mes vêtements sur moi, 10 couches, 2 doudounes, des moufles avec chaufferettes, etc et je ne parvenais pas à me réchauffer. Jamais cela ne m’était arrivé. Mes doigts commençaient à se congeler, mes pieds également ainsi que tout mon corps. Au bout de deux heures de marche, je sentais que j’entrais dans une lutte infernale contre le froid. Hugo qui n’a jamais froid ne cessait de me dire « quel froid de dingue ». Je réalisais alors qu’il restait encore plus de 5 heures de marche de nuit et que si les conditions ne s’arrangeaient pas, nous allions devoir lutter contre le froid encore de longues heures. La situation se transforma en cauchemar. Nous ne pouvions pas nous arrêter pour souffler, l’eau bouillante du thermos était froide, il nous fallait maintenir un rythme soutenu pour ne pas mourir de froid. Hugo me dit qu’il estimait à -30 à -40ªc la température. C’était infernal…un enfer….nous arrivâmes aux premières ruines vers 05h30/05h45. Mon corps, désormais, ne pouvait plus s’arrêter de trembler. Mes pieds et mes mains me faisaient terriblement souffrir. Mes mains étaient définitivement inutilisables, surtout avec mon syndrome de Raynaud…..je découvris avec terreur que Hugo était dans le même état, il tremblait et souffrait des mains. Il y eut alors un gros moment de flottement. Nous savions que nous pouvions redescendre depuis ce col. Le chemin pour aller au sommet était enneigé et il nous faudrait de surcroît faire la trace. Nous ne pouvions pas nous cacher la face. Ce ne fut pas une bonne idée de partir de nuit si tôt. Nous étions tous les deux en hypothermie, tremblant comme des feuilles, les mains douloureuses…en continuant nous allions nous mettre en danger et ce n’était pas raisonnable. La tentation de renoncer était immense et c’était aussi la voie la plus raisonnable…mais non, ce n’était pas possible, je n’allais pas encore une fois renoncer ici, au même endroit qu’en 2017 ! mon sang ne fit qu’un tour et je suppliais Hugo, nous devions monter coute que coute…nous décidâmes alors de poursuivre, le jour allait se lever dans 1h30, le temps qui nous était nécessaire pour monter au sommet. Hugo tremblait et eut un mal fou à me mettre mes crampons. Pour ma part, mes doigts me faisaient tellement mal que je ne pouvais rien faire de mes mains. Ma main gauche en particulier était complètement congelée. Nous poursuivîmes dans la neige. Hugo faisait la trace, un effort de plus qui allait nous achever. Désormais mon corps ne pouvait plus s’arrêter de trembler. Nous étions à un stade assez élevé d’hypothermie. Je voyais la silhouette des arêtes sommitales se dessiner ainsi qu’une lueur orange à l’horizon. Le lever du jour n’en finissait plus. Je pensais qu’il n’allait jamais se lever pour nous punir d’être montés sur les flancs de cette montagne sacrée. C’était terrible, cela me parut une éternité….nous étions plongé dans une nuit noire qui n’allait jamais se terminer. A plusieurs reprises je dis à Hugo qu’il serait peut-être mieux de renoncer et descendre car nous allions y laisser notre peau. L’eau du thermos était transformée désormais en glaçon, nous étions épuisés…mais non, Hugo était ferme, nous allions fouler le sommet. Mon corps s’était alors transformé en pantin désarticulé…je ne pouvais plus contrôler mes jambes. Chaque pas était un enfer…mais nous arrivions sur les arêtes sommitales où se trouvaient les ruines. Hugo souffrait d’hallucinations mais vint m’aider pour les derniers mètres. Il n’est pas nécessaire de vous préciser que ce ne fut pas une explosion de joie au sommet. L’esprit de survie me criait de descendre au plus vite. Mes lèvres étaient aussi gelées et je ne pouvais pas parler. Impossible d’utiliser mes mains. Au moment de descendre des ruines, le soleil vint nous toucher. Il ne pouvait pas encore nous réchauffer mais Hugo put sortir l’appareil photo. Nous descendîmes sans perdre de temps, mais le cœur plus léger et heureux.

De retour au camp II, mon corps ne tremblait plus mais j’avais toujours froid. La moitié de mon gros doigt de pied droit était bleu. Je m’engouffrai dans la tente et dormis 1 heure. Je pus récupérer un peu. De retour à la civilisation mes doigts de pied ainsi que mes deux pouces restaient douloureux et insensibles. Cela allait durer plusieurs mois, un souvenir de Llullaillaco !

Merci à l’Llullaillaco de nous laisser fouler son sommet !