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Entre modernité et tradition, les tissages de Kenia Almaraz Murillo

24 avril 2023

Rencontres et découvertes

Connecter, unifier, fusionner tels sont les souhaits artistiques de la plasticienne contemporaine Kenia Almaraz Murillo lorsqu’elle crée.

Dans une démarche semblable à la sienne, Thaki Voyage a décidé de fusionner les deux sujets de ses écrits parus en mars pour qu’ils ne fassent qu’un en avril. En effet, les articles Tissus et autres tissages, entrecroisez les fils de l’histoire boliviennes et Santa Cruz de la Sierra font tous les deux échos à cette jeune femme d’origine bolivienne, née dans cette même ville en 1994.

Entre peintures, tissages et installations, celle qui cherche à trouver l’équilibre entre les différents médiums plastiques, nous dévoile, par le biais de ses compositions, l’union des éléments, que ce soit : l’union du fil et de la lumière, l’union de la nature et de l’homme, l’union personnelle de l’artiste pour la Bolivie et la France.

Installée depuis plus de 15 ans dans l’Hexagone, Kenia Almaraz Murillo est imprégnée des codes traditionnels du tissage bolivien. Elle livre un touchant témoignage à sa culture natale, à travers une démarche contemporaine et philosophique. Partons à sa rencontre et captons avec elle toute l’essence de la Bolivie !

Un lien familial : tisser pour écrire, écrire pour tisser

C’est à 16 ans, lors d’un voyage en Bolivie, que Kenia Almaraz Murillo découvre le monde du tissage et le lien qui unit sa famille à cet art ancestral. Sa maman lui présente certains aguayos tissés par sa grand-mère. La vue de ces tissus traditionnels boliviens lui donne une sensation de connexion avec ses proches décédés, c’est pourquoi, une fois de retour en France, elle décide de tisser afin de se reconnecter avec eux mais aussi avec son pays et la tradition du tissage andin.

En effet, en Bolivie le tissage est unique puisqu’il a son propre langage. Notre article précédent fait déjà mention de cet univers textile, où chaque communauté a son propre tissage, avec ses couleurs, ses compositions et ses techniques dont ses formes, ses lignes et sa symétrie. L’ensemble de ces éléments se caractérise comme des codes d’écriture et il est parfois difficile de déchiffrer cette écriture propre à chacun.

Aujourd’hui, Kenia Almaraz Murillo communique son propre langage lorsqu’elle se connecte aux fils. Elle écrit une histoire, son histoire, celle de son pays en utilisant, à son tour la laine d’alpaga ou de lama, qui sert à la confection des très colorés aguayos.

Un acte de gratitude : la rencontre de la France avec l’héritage bolivien

Pourtant bien que fortement bouleversée par le tissage andin, c’est en France qu’elle apprend cette technique, devant le métier à tisser de l’artiste contemporaine Simone Prouvé.

Elle explorait déjà avant de tisser, les couleurs, les lignes géométriques et l’horizon par le biais de la peinture, car que ce soit en peinture ou en tissage, ses oeuvres, portent un nom en langue quechua ou aymara et font référence à la Bolivie : les paysages, les animaux et les personnes sont une source d’inspiration pour l’artiste. Ce sont précisément les vibrations de ces éléments qu’elle retranscrit dans son travail.

Parmi ces vibrations, vous retrouverez l’énergie des cholitas (présentes par des mèches cheveux naturelles et des pompons) et de manière plus général l’être vivant. En effet, Kenia Almaraz Murillo accorde une grande importance à la Pachamama, la Terre-Mère qui nous permet d’exister et qui donne vie à une multitudes d’espèces animales.

Afin de la remercier, elle rend hommage aux oiseaux, aux félins, aux reptiles, mais aussi aux planètes et aux différents mondes. Certaines de ses compositions réalisées en 2019, après des incendies en forêt amazonienne bolivienne, mettent en valeur les animaux de ces espaces, comme le tatou, le toucan ou encore le guajojó. Cet oiseau est à l’origine d’une légende populaire de Santa Cruz, objet de notre prochain article. Kenia exprime aussi son intérêt pour les mythes et récits légendaires boliviens à travers cette série en volume, qui n’est pas seulement une oeuvre de tissage.

Il faut savoir que la plasticienne joue également avec les fils, la peinture, et l’électricité, car elle choisit souvent de mélanger ce que la nature donne (comme le bois) avec ce que l’homme fait et ce qu’il modifie, en ajoutant la lumière artificielle.

La philosophie de l’équilibre en tissant la lumière

La lumière urbaine vient compléter et s’ajouter aux couleurs vives, précisément les trois couleurs primaires, pour créer l’équilibre.

La lumière en neon led ou phares de camion, prend toujours une forme différente : elle peut être ronde pour rappeler les planètes ou les astres, rectiligne comme l’horizon ou ondulée telle un serpent ou un condor. Cela dépend de l’animal ou de la sensation que ressent l’artiste au moment de la création.

L’acte de tisser est semblable à une méditation pour Kenia Almaraz Murillo. Cela lui permet de se connecter à ses rêves et à ses souvenirs. La lumière, source de vie fusionne avec les énergies pour former un équilibre : l’équilibre plastique cherché par l’artiste est le même qui harmonise l’univers.

Par le biais de l’art, Kenia Almaraz Murillo crée une nouvelle énergie, à la fois matérielle et spirituelle. La création issue de la rencontre permet de réunir des matériaux inhabituels comme la laine et la lumière et donc de connecter les éléments naturels avec des éléments modernes, réutilisés ou récupérés. L’artiste trouve aussi son harmonie entre l’histoire qui l’unit à son pays et à la France : elle élimine ainsi les frontières.

Le tissage la fait voyager : elle est à la fois, « là-bas en Bolivie mais aussi ici, en France », c’est pourquoi la plasticienne réalise aussi des fresques dans sa ville natale, Santa Cruz de la Sierra. Lors de votre passage sur le territoire, n’hésitez pas à admirer l’oeuvre réalisée en 2017 en collaboration avec Elliott Causse : Flux tressé II.

La connexion de Kenia Almaraz Murillo avec la Bolivie est forte. L’artiste travaille les tissages traditionnels en lien avec sa culture d’origine, d’une manière unique. Comme les communautés boliviennes, qui écrivent en tissant, elle adopte son propre langage contemporain. L’atelier de la jeune femme est fascinant par sa richesse en couleurs.

À votre tour, ressentez par le biais de ces mariages entre les couleurs et la lumière, l’énergie de ce pays andin et venez découvrir la beauté de la Bolivie et l’équilibre qui existe entre la Terre-Mère et l’homme.

Entre tradition et innovation, Thaki Voyage vous fait partager son amour pour les Andes et pour l’Art comme personne !

Pour en découvrir plus sur l’artiste : www.keniaalmarazmurillo.com 

Merci à Kenia Almaraz Murillo pour les photos.

Texte écrit par Mathilde Leroux.