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Il y a 18 ans … Petite chronique de l’histoire bolivienne

14 octobre 2021

Decouvertes

Ce jour ci, il y a maintenant 18 ans, la ville de La Paz était en état de siège, durant plus d’une semaine, les habitants d’El Alto, la tentaculaire banlieue de La Paz, bloquent tous les accès à la ville. C’est le 17 octobre que se terminait cette page sombre de l’histoire bolivienne, que l’on connaît sous le nom de ‘’Guerre du Gaz’’. Ce 17 octobre 2003, le président Gonzalo Sanchez de Lozada, connu en Bolivie sous le surnom de Goni, fuyait le pays pour les Etats-Unis, après avoir été accusé de massacre par son propre vice-président.

Un tournant historique

Ce jour, et surtout la fuite de Goni, marque un exceptionnel tournant à 180 degrés dans l’histoire politique bolivienne, et affectera à jamais la Bolivie. En effet, le grand gagnant de ces protestations et de la fuite du président, c’est Evo Morales, qui deviendra par la suite à son tour président de la République. Felipe Quispe, autre grande figure des mouvements indigénistes, se fera aussi connaître durant la crise, comme meneur du mouvement social, et du blocage de la ville de La Paz.  Il marquera aussi la politique bolivienne des 2 prochaines décennies, de par ses opinions radicales, contrastant avec un Evo Morales plus modéré.

Faveur aux grandes compagnies pétrolières étrangères

La guerre du gaz et les mouvements sociaux ont commencé début 2003, en réponse au choix du gouvernement d’exporter le gaz bolivien. En effet, la Bolivie avait découvert en 2000 sous la présidence de Hugo Banzer, de par ses compagnies pétrolières privées, le deuxième plus grand gisement de gaz naturel d’Amérique du Sud dans la région du Gran Chaco. Mais plusieurs dilemmes, ont rapidement divisé le peuple et les politiques boliviens sur la question. Une majorité du peuple bolivien s’oppose en effet à exporter le gaz à travers un gazoduc qui traverserait le Chili, afin d’être exporté ensuite par bateau vers les Etats-Unis. La Bolivie et son voisin sont en effet irréconciliables depuis la guerre du Pacifique (1879-1884), et la région d’Antofagasta, alors Bolivienne à l’époque, est toujours réclamée par la Bolivie, et considérée comme une terre volée. Ainsi que le peuple, en majorité, dans un premier temps, en faveur d’une exportation par le Pérou, puis dans un second temps en faveur d’un raffinement sur place,  s’oppose aux compagnies pétrolières, pour qui l’exportation par le Chili est plus avantageuse financièrement, mais ne prend pas en compte ni le peuple bolivien, ni les différents historiques entre les deux pays.

Goni, un président peu populaire dès son élection

Le président Goni prête serment en 2002 dans un climat tendu, il prend la place de Quiroga, qui avait repoussé la décision concernant l’exportation du gaz, qui avait lui même succédé en 2001 à Hugo Banzer, gravement malade. Gonzalo Sanchez de Lozada met le feu aux poudre, il prend la décision de choisir l’option chilienne, cela est vite perçu comme une trahison, on l’accuse de privilégier les compagnies étrangères privées, mais aussi de favoriser un pays ennemi.

La Paz en état de siège

Apres plusieurs mois de protestations, le soulèvement prend une ampleur inédite en octobre 2003, plusieurs groupes, syndicats, et mouvements politiques variés décident de bloquer la ville de La Paz. Pendant plusieurs jours, les habitants d’El Alto, menés par Felipe Quispe et un certain Evo Morales, bloqueront tous les accès à la Paz, obligeant les habitants de la ville à se rationner. Le 12 octobre, l’armée attaque les barrages, c’est un véritable massacre contre le peuple bolivien, on dénombrera environ 70 morts pour le seul mois d’octobre 2003.  Le président Goni sera accusé de meurtre jusqu’à l’intérieur même de sa propre famille politique, il démissionne, et fuit le pays, il est encore aujourd’hui en cavale, aux Etats-Unis.

Vague rose sur toute l’Amérique Latine

Il s’en suivra, en quelques années, un référendum sur la nationalisation des hydrocarbures, largement accepté par la population, et enfin, en 2005, l’élection du président Evo Morales, le premier président se revendiquant comme indigène et de culture aymara dans l’histoire bolivienne. C’est un tournant important de l’histoire bolivienne et sud-américaine, Morales sera en effet un des nombreux chefs d’Etat de cette ‘’vague rose’’ latino-américaine, qui marquera fortement la politique du continent du début des années 2000 et continuant jusqu’à nos jours dans certains pays, avec les chefs d’Etats Chavez au Venezuela, Ortega au Nicaragua, Humala au Pérou, Correa en Equateur,  Mujica en Uruguay, mais aussi Lula au Brésil ou encore Bachelet au Chili. Cela marque aussi  l’apparition des présidents indigènes sur la scène politique latino-américaine. Au Pérou, on considère que 45% de la population est d’origine indigène, ce chiffre est de 40% en Bolivie, pourtant, Ollanta Humala, élu en 2011, et Evo Morales, en 2005, sont tout deux considérés comme les premiers à se revendiquer comme indigène.

Morales dans l’histoire

Morales restera à la présidence 13 ans durant, jusqu’en 2019. Son parti, le Mouvement vers le Socialisme (MAS), est d’ailleurs toujours au pouvoir, représenté par l’économiste et ex-ministre Luis Arce. S’il divise beaucoup, fortement populaire sur l’altiplano et dans les vallées, et dans les grandes villes de La Paz, El Alto et Cochabamba, peuplés par la majorité des populations indigènes aymaras et quechuas, il est fortement impopulaire dans les régions amazoniennes et des grandes plaines de l’est. Son bilan est plutôt positif, la Bolivie, alors pays le plus pauvre d’Amérique du Sud avant ses mandats, a beaucoup progressé économiquement, les réformes et nationalisations ont profité aux populations les plus défavorisées, la pauvreté a fortement baissé, on estime qu’elle a été divisée par deux, les inégalités ont reculé, ainsi que l’analphabétisme, qui a lui disparu, les populations indigènes sont maintenant considérées, leurs langues sont désormais langues nationales et enseignées et leurs cultures sont respectées. Cependant, il reste critiqué pour sa gestion parfois autoritaire ou encore son manque d’action contre le réchauffement climatique. Quoiqu’on en dise, il aura transformé son pays à jamais et restera dans l’histoire politique de l’Amérique du Sud.